AbusDePouvoir

Lettre à poster

Extraits du début du livre LETTRE À POSTER  

de Bernard Anton, Ph. D.

Éditions Les Impliqués, Paris, 2019, 162 pages

 

 

Ce livre s´inscrit dans la mouvance de la libération de la parole soutenue en principe par François 1er qui, lors du Sommet en février 2019, semble donner la priorité à la transparence, en matière d´abus sexuels, d'abus de pouvoir et de conscience.  Il dénonce à maintes reprises le cléricalisme omnipotent ainsi que la « manière déviante de  concevoir  l´autorité  dans l´église » et affirme pour encourager les victimes : « Les blessures ne connaissent pas de prescriptions » dans La Lettre au peuple de Dieu, 20 août 2018. Il invite, ailleurs, chaque personne à les accueillir, à écouter leurs récits d'abus « avec leurs oreilles » et à « regarder avec leurs yeux ». Il témoigne d'empathie envers les « offensés par les attitudes déplacées de clercs », décidé à éradiquer le fléau des abus (de toutes sortes). Il considère ce fléau comme une corruption absolue : « Le Seigneur est en train de purifier son épouse... surprise en flagrant délit d'adultère.» Plusieurs évêques et cardinaux dont Mgr Kasper Walter, Mgr Christoph Schönborn, Mgr Luc Ravel, Mgr Dominique Lebrun et autres dénoncent « la pourriture au sein de l'Église ». Ils demandent d'en repenser, en profondeur, l'agir ainsi que l'approche pastorale.

Quelques mois plus tard, toutes ces promesses se révèlent totalement fausses et mensongères. Pure comédie. Promesses éphémères. Les commissions promises et le suivi sérieux des dossiers n'est que lettre morte. De nouvelles dénonciations sont enterrées. Le Vatican ne répond même pas aux lettres, ni les nonciatures, et fait tout pour étouffer les plaintes. Loi de l'Omerta, encore et toujours. Rien n'a changé. Ce n'était que du mensonge. Aucun respect pour la dignité de ceux et celles que des prédateurs psychologiques portant la robe noire ont fait souffrir. Les bourreaux règnent en paix sur leur siège épiscopal. Est-ce que Jésus a enseigné d'aller envoyer promener les autres, de dénigrer leurs droits et leurs justes revendications afin de mieux cacher les vices et violences du clergé ? Est-ce le message des évangiles ?

C´est dans cet esprit-là que ces pages sont publiées. Ce sont les souvenirs d'Arjuna, ancien ministre à la retraite, relatés dans sa lettre à Dieu. Il ne veut plus, ne peut plus jouer à qui n'a rien vu ni rien entendu autour de lui. Ces récits dévastateurs espèrent corriger la situation et s'en sortir.

Quelques extraits :

« D´autres événements, plus tragiques, ont profané ton nom et ton temple, par exemple, lorsque ce fou mitré (de la trempe d´Hitler, de Staline et de Trump), grouillant de jalousie et de haine contre son ministre bien apprécié de ses ouailles, empêcha, lors des annonces, avant la conclusion de la liturgie, l´un des marguilliers de lui témoigner son appréciation à l´occasion de la fin de son mandat. Le moment venu, cet adjoint du conseil d´administration se dirigea vers l´ambon, avec son petit discours, représentant la communauté. Aussi rapide qu´un serpent, le prélat enragé le saisit par la peau du cou et l´agressa en le giflant avec la croix métallique, sertie de pierres précieuses, qu´il tenait dans la main. Tel un marteau, le crucifix frappa la tempe de la victime et l´ensanglanta, lui brisant ses lunettes, entachant de coulis rouges sa chemise blanche et sa cravate. Tête haute, l´air triomphant, le tempétueux dignitaire quitta l´autel, précipitamment, empruntant l´allée centrale, sans prononcer le Ite, missa est et sans entonner le chant de sortie. Chahut instantané. Clameur incroyable. Un torrent d´insultes et de crachats de la part des fidèles, totalement tétanisés, le submergea à l´instant, amorcé par les femmes les plus âgées qui le fustigèrent, époumonées : « Que la croix te frappe tel que tu as frappé avec la croix ! », « Tu quittes si vite, sans nous dispenser ta bénédiction ? Sache-le, ta bénédiction, on n´en veut pas. », « Dégage, maudit bâtard, fils de chien, et ne remets plus les pieds ici. », « Si tu reviens, nous sortirons.» Et les jeunes de vagir : « C´est ce monstre qui nous a baptisés, confirmés, donné la première communion ? »

Redoutant la colère de la foule de plus en plus bruyante et agitée, l´offenseur joua à l´offensé et appela, en désespoir de cause, la sécurité publique pour le protéger sans en craindre les enjeux. Une armée de policiers en combinaison antiémeute, avec casques, matraques et boucliers, envahit les lieux saints, dispersa l´assemblée ébranlée en quelques minutes, puis barricada, dans un bureau du presbytère, l´agresseur menotté, le temps d´investiguer. Il ne savait où se cacher et voulait déguerpir par la fenêtre. Sa version des faits était intentionnellement altérée, inventée. Pour se défendre et se justifier, il tempêta et contredit, fin renard, avec des mots incohérents et décousus, le récit des témoins, comme si le témoignage unanime des cinq cents personnes présentes lors de la tourmente, qui ont tout observé et tout entendu, pouvait être divergent. Libéré au bout de deux heures d´interrogatoire, grâce à la miséricorde de l´offensé qui refusa de porter plainte et d´entacher la réputation de sa congrégation en engageant des poursuites judiciaires au criminel, il dédaigna tout signe de reconnaissance, destitua d´un décret l´ensemble des marguilliers qui venaient de le gracier, en nomma de nouveaux, proches de son clan, et jura de faire de la vie de son abbé (qui n´a rien fait) un enfer. En dictateur abruti, entêté, il s´appliqua délibérément, depuis ce jour, à lui couper l´herbe sous le pied, ainsi qu´à ses détracteurs qui
n´obéissaient pas, de près ou de loin, à ses moindres injonctions et caprices.

Déroutés, ne voulant plus composer avec un chef aussi pernicieux, les administrateurs de la fabrique supplièrent leur curé de rester avec eux. Un avocat sera engagé pour entamer les démarches nécessaires afin de chercher obédience auprès d´un autre évêque, sinon ils changeraient de religion. Incapable de supporter cette sinistre ambiance, ne voulant pas non plus être tenu responsable d´un schisme officiel, alors qu´en vérité, la rupture était déjà installée dans les cœurs, il fut dans l´obligation de décliner leur offre. Des experts consultés, par la suite, confirmèrent sa judicieuse conclusion. Cette paroisse demeura longtemps déserte. Aucun revenu. Aucune dîme payée. Les gens la boudaient, refusaient de traiter avec un tel bourreau acharné. Les factures s´accumulaient. On ne sait qui l´empêcha de faire faillite et de fermer. Un nouveau prélat désigné, quelques années plus tard, tenta d´arranger la situation, non sans difficultés. Ce prêtre, pris en grippe pour toujours, eut un grave accident de voiture. Il a failli mourir. Fractures multiples, traumatisme crânien, foie coupé en deux. Son oppresseur invétéré mandata sa belle-sœur pour lui susurrer dans sa chambre d´hôpital, devant sa mère qui veillait à son chevet, telle Marie au pied de Jésus : « Il t´achève, hein ? »

Cet intempestif potentat, nul dans l´art de gouverner et de mettre en pratique les notions les plus élémentaires de charité, sans aucun leadership créatif ni inspirant, fut promu à un rang supérieur en dépit des multiples plaintes officielles, dénonciations dûment documentées et volumineuses pétitions signées contre lui, envoyées à plusieurs paliers de sa hiérarchie, relatant sa violence morale, langagière et physique. Sa conduite agressive d´ignoble prédateur psychologique — champion en harcèlement, en menaces, en abaissement, en intimidation, en insultes et en dénigrement, ce qui peut être considéré l´équivalent d´un viol — n´affecta nullement sa carrière ni l´opinion de ses patrons qui, impassibles, devenus complices par leur silence hermétique, continuèrent à enterrer ce drame et à le soutenir, contredisant tout esprit de droiture et d´équité. Ce mégalomane roublard n´a pas été poussé vers la sortie, ni écarté discrètement ni sermonné, au moins pour la forme. Ils n´ont point entravé sa carrière, malgré ce scandale public, mais simplement tourné la page, comme si aucun drame ne s´était produit.

Véritable film hollywoodien, digne des fameux acteurs et réalisateurs de l´industrie, aux soubresauts rocambolesques, traumatisants jusqu´à aujourd´hui ! Les féministes l´ajouteraient volontiers à leur liste #MoiAussi ou #BalanceTonPorc. Les offensés lanceraient aisément leurs nouveaux hashtags #AbusDePouvoir ou #DenonceTonBourreau. Il passera a fortiori du mauvais côté de l´histoire. Pas trop tard pour le dénoncer, lui flanquer une leçon bien méritée et rétablir la justice ! Cette tête couronnée à la dent dure et au regard jaune, qui n´a nullement froid aux yeux, ne cesse de démoraliser les troupes, de les démolir et de s'imposer dans la pure terreur, en toute impunité, point gênée de persifler les jeunes pieux arborant une petite croix au cou, les traitant, ipso facto, de malades mentaux. Il martèle, dans la même veine, avec le plus grand sérieux : « Un presbytre n´est utile qu´une heure seulement, le dimanche. Pas nécessaire non plus d´élaborer une homélie substantielle afin de nourrir les âmes. Les paroles de la liturgie, qu´elles écoutent et lisent dans le missel, suffisent. » Abrupte logique ! N´est-ce pas le contraire ? Nul besoin d´un tel épiscope « apastoral », inculte et corrompu ! Aucun égard pour le travail professionnel à accomplir sur le terrain, au fil de la semaine, ou le dimanche auprès des fidèles. Ne le valorisant pas, il ne s´en acquitte jamais. Ça ne fait tout simplement pas partie de ses priorités. Il refuse de payer un salaire régulier à son ministre. Seulement à la pièce, pour l´heure de messe dominicale, non par manque d´argent, car ses coffres-forts débordent, mais par mépris de tout membre du clergé autre que lui.

Son amour du pognon est tel qu´il réclame sa part personnelle d´héritage (la part du lion) aux riches qui désirent léguer leurs biens à l´église. Voyant cela, ces derniers changent d´idée, lui tournent le dos et ne cèdent rien. Adepte du népotisme, il désigne, au grand dam de la communauté, sa sœur sexagénaire ménagère, cuisinière et matrone intransigeante au presbytère afin de percevoir une rémunération décente et accumuler quelques billets de plus. Cet opportuniste machiavélique, qui ne pense qu´à ses intérêts personnels, se moque des pauvres, des vieux, des exclus et des malades, ne visite que les riches et les influents parce que leur table est bien dressée et leur main généreuse. L´enveloppe qu´ils glissent dans sa poche, discrètement en quittant, fait tressauter son cœur de joie.

Maître en division et en zizanie, sans respect pour la réputation d´autrui ni d´aucune règle de déontologie, il s´amuse à créer un climat hyper toxique, des médisances, des ragots et des rumeurs hostiles sur ses prêtres afin de les discréditer, les désavoue pour rien, espérant ainsi consolider, de facto, son unique et catégorique suprématie. En plein synode, avec des prélats rassemblés pour élire un chef, il leva les poings, menaçant, s´ils ne le choisissaient. Le scandale, c´est qu´ils ratifièrent sa demande, intimidés par sa fougue titanesque, et l´intronisèrent malgré eux supérieur des supérieurs, devenant du coup solidaires, collégialement, de ses crimes et terreurs. Quelle imposture ! Quelle différence avec les pères anciens qui, dans le christianisme naissant, offraient leur vie pour sauver les inculpés ! N´a-t-on pas le devoir moral de dénoncer devant tous de tels comportements de violence, qu´ils soient de nature sexuelle, verbale ou éthique, afin de les éradiquer et rendre justice à ceux qui les subissent ? Devoir de mémoire envers les personnes agressées qui se trouvent condamnées à vivre un traumatisme spirituel horrible et déchirant toute leur vie !

Plusieurs pasteurs et pontifes, dans lesquels on devrait voir le visage du Christ, ne font pas plus honneur à ta cause sacrée, comme celui-ci portant une calotte rouge (signifiant qu´il est prêt à verser son sang pour toi), voyant l´un de ses clercs, assez aisé, plongé dans le coma et à l´article de la mort, décida de déchirer son testament olographe, dûment rédigé, afin d´hériter de ses biens. Ou celui-là, se promenant pieds nus dans son palais, pour aérer ses orteils dont les ongles jaunis et pourris jusqu´à la matrice souffraient de mycose avancée. Il exigeait que la fabrique assumât le coût onéreux des traitements. Ou encore cet autre, provoquant délibérément un incendie partiel dans sa vieille chapelle, au plafond trop défraîchi à son goût, la rénova aux frais des assureurs.

Pourrais-je omettre l´histoire de ce prélat rachitique septuagénaire, légèrement bossu, qui reçut une bastonnade d´un mari jaloux lorsque ce dernier apprit que la main épiscopale glissa longuement sous le blouson et la jupe de son épouse (à l´instar de la main baladeuse d´un nonce apostolique qui se croyait, à Paris et au Québec, « cuirassé » par son immunité diplomatique) ? Cette calotte violette, couleur qui symbolise la tempérance, ne se découragea pas, après une semaine d´hospitalisation, et continua de savourer les fruits de la passion avec différentes candidates qui cédèrent, malgré elles, afin de s´en bénir. Fatigués de le rouer de coups, les couples sages évitèrent carrément les réceptions somptueuses organisées en sa présence afin de ne plus s´exposer à des risques, suivis de rages inutiles.

Ces épiscopes sont tellement heureux de liquider plus des deux tiers de leurs temples, transformés en piscines, en théâtres, en gymnases, en centres commerciaux, en complexes résidentiels ou en columbariums, et d´empocher aujourd´hui la totalité de l´argent (plusieurs millions) que de pauvres familles ont durement et péniblement sacrifié à l´époque pour les édifier, pierre par pierre, épargnant un sou à la fois. Révoltées devant de telles injustes extorsions, deux communes, dont les habitants étaient solidaires entre eux, eurent raison de la consigne épiscopale de vendre. Elles cédèrent plutôt contre un dollar leur sanctuaire à la Municipalité qui en fit une salle de spectacles et de réunions pour ses échevins.

Me revient cette scène burlesque, on ne peut plus déplorable, dont je fus aussi personnellement témoin : un clerc, à l´énergie et à l´imagination débordantes, voulant ridiculiser en public son « prince », de passage dans son arrondissement à l´occasion d´une importante fête liturgique nationale, soudoya un couple ami, qui demeurait dans un condo en face de son temple, afin qu´il simule l´orgasme et vocifère de plaisir, le plus longtemps possible, durant l´heure de l´office. Les fenêtres ouvertes en raison de la chaleur suffocante de l´été, il va sans dire que les manifestations extraordinairement tonitruantes de jouissance de ces deux amoureux en plein ébats extatiques furent clairement audibles et efficaces dans le silence de l´enceinte sacrée. La femme aux rugissements retentissants, que plus rien ne pouvait arrêter, dont la voix stridente et jubilatoire montait inlassablement toujours plus haut, bien plus haut que les chaînettes de  l´encensoir bruyamment et nerveusement agité par le prélat, exprimait comme nulle autre l´intensité de son plaisir, rappelant à l´illustre célébrant et aux centaines de participants embarrassés, ne pouvant pas ne pas l´écouter, les légitimes besoins de  l´être humain qui devrait demeurer attentif aux appétits de sa nature bien incarnée. Son chant exubérant de l´âme enterra, jusqu´à la fin, les hymnes entonnés et les psaumes affadis, peinant à s´élever, malgré les accords étirés et renforcés de  l´orgue qui ne réussirent guère à l´éclipser. Feignant une sainte colère, le malin abbé se morfondit en excuses devant l´assemblée et l´illustre invité. Il ne ferma les fenêtres qu´au terme de la messe, le cœur infiniment reconnaissant envers ces deux amoureux qu´il invita le lendemain à un fastueux souper.

Pétulant et fourmillant d´astuces, un ministre ingénieux, à l´humour décapant, tendit fièrement un piège à ses collègues lors d´une réunion mensuelle de récollection, ajoutant dans leur vin une substance hautement aphrodisiaque qui échauffa leurs corps et esprit. Ils se relâchèrent, bien allègres, et s´offrirent une soirée détente, riant jusqu´à se fendre en quatre, se permettant gaiement et sans inhibition, toutes portes closes, certaines licences scabreuses de promiscuité entre eux, jugées d´habitude gravement mortelles selon les prescriptions de la chasteté. Leurs yeux brillaient tels des cristaux. Leurs corps flottaient, légers, sur un nuage. Ils prirent goût à leurs grivoiseries sans comprendre ce qui leur arriva, jurèrent, au final, une fois revenus à eux-mêmes, que ce qui se passa au presbytère devait rester au presbytère. Ils y demeurèrent deux heures de plus, le temps de reprendre leurs esprits, car, dû à leur état euphorique, ils auraient pu emboutir un poteau dans la rue s´ils conduisaient leur véhicule. On signifia à ces fringants coreligionnaires que leurs perversions demeuraient tolérées tant que sournoisement dissimulées sous le tapis et jamais audibles. Habitués aux fréquentes orgies, même au grand sérail, chez certaines cliques, ils passèrent l´éponge plus facilement et n´en parlèrent plus.

Un monsignor, qui cachait un fusil sous son lit et s´enorgueillissait d´un autre titre honorifique, se régalait avec désinvolture, mettant hors de lui son camarade, de différentes façons, modifiant ses plans et dispositions liturgiques ou   l´irritant, sciemment, à propos de détails saugrenus, cinq minutes avant son entrée en célébration dominicale, juste pour le troubler et l´empêcher de se recueillir. Sa maîtresse en détresse l´appelait parfois à vingt-trois heures. En bon samaritain, il courait la réconforter et passait la nuit à son chevet. Ne se gênant pas pour engueuler ceux qui avaient le malheur de sonner à la porte de son presbytère en dehors des heures d´ouverture, sa voix beugla, un soir, dans l´interphone, contre l´une de ses paroissiennes dévouées qu´il connaissait depuis un bail : — Qu´y a-t-il ? Pourquoi me dérangez-vous ? — C´est Mathilde. Mon conjoint vient de me mettre à la porte. Vous le savez bien, je suis enceinte. Il fait moins 15 degrés, j´ai froid, j´ai faim, j´ai mal aux jambes, je ne sais où aller. — Je ne peux rien pour vous, ma pauvre petite madame. Ici, ce n´est pas un hospice. Le poste de police vous sera plus utile. Elle répudia illico  l´institution et ceux qui la dirigent après s´être vue envoyer paître de la sorte en plein hiver.

Ce chanoine bourré de lui-même, reçut, deux mois après, plusieurs appels urgents d´un collègue en mission à l´étranger. Ses messages demeurèrent sans réponse. Quand il se sentit d´humeur de répondre au téléphone, trois semaines plus tard, et devant les complaintes de son confrère, il riposta sèchement : « Mais vous n´avez appelé qu´une dizaine de fois seulement ! »

Un vicaire épiscopal, aux hormones surchauffées, se moquant de la prière du chapelet et des bigots, ne se gênait pas pour flâner, affamé d´aventures, dans le parc de son quartier, vers trois heures du matin, ou dans le bordel le plus fréquenté. Quand ses ex-paroissiens le croisaient par hasard sur place, ils l´interrogeaient, éberlués : « Que faites-vous ici, monsieur le curé ? Vous draguez ? Ne touchez-vous pas à l´interdit par hasard ? » Il répliquait froidement, du haut de ses soixante-neuf ans : « La même chose que vous, mes fils bien-aimés. J´annonce le royaume d´Amour qui est à portée de la main.  N´est-ce pas mieux que d´abuser des gamins qui, victimes aujourd´hui, seront bourreaux demain ? Ouvrez grand les yeux, regardez davantage autour de vous. Ne voyez-vous pas mes camarades disséminés ici et là ? Ils prennent l´air. Nous nous saluons et rions bonnement quand nous nous rencontrons. On se lance jovialement : La pêche est bonne? Pour votre information, près du quart de la clientèle des bordels, ce sont des prêtres, et plus de la moitié ont une copine. Il paraît qu´étant doux, sincères et chaleureux, nous faisons les meilleurs amants au lit. Les femmes apprécient notre bon cœur. Faut vivre un peu pour ne pas exploser ! Faut cultiver la liberté ! Il y a un temps pour tout, proclame la Bible : un temps pour travailler, pour prier, pour se reposer… Plusieurs savent très bien que nous nous amusons parfois et ils ferment les yeux. Je vous en prie, faites-en autant. Pas trop compliqué ! En quoi ça vous dérange ? Cela ne nous empêche point d´être de bons pasteurs et proches du Christ. »

Un autre, pas mal bouffon, rondelet, friand de spiritueux, ne pouvant officier qu´après avoir ingurgité, dix minutes avant son entrée en liturgie, trois bières d´affilée afin de se relaxer, négligeait le jeûne eucharistique exigé au moins une heure auparavant. Sa légère ébriété le faisait entrer dans un état de transe et l´aidait à surmonter son trac. Un peu pompette, il épatait les paroissiens par sa lente gestuelle expansive qu´ils croyaient inspirée. On l´appelait « le saint ». Aux petites heures du matin, un samedi, il appela la police. Ses cris de détresse réveillèrent les deux religieuses affrétées à son service au presbytère. Un intrus menaçait de le tuer. Personne n´a pu trouver le coupable ni la trace d´une entrée défoncée. Il n´y avait aucune introduction par effraction. C´était le prostitué qu´il avait engagé et qui s´était réfugié dans sa garde-robe, derrière ses longues chasubles dorées.

Un autre, se prenant pour un érudit, sans charisme, jaloux de son supérieur vénéré par la communauté et qui l´éclipsait,   l´empoisonna au cyanure à faible dose d´une façon chronique, dans l´espoir de s´en débarrasser, puis d´être élu à sa place. Il n´hérita pas de son siège, tel qu´espéré. Nul n´écoutait non plus ses discours fades et faussement techniques durant lesquels il tonitruait pour faire montre de force et de conviction. Ceux du défunt, recueillis et publiés à des milliers d´exemplaires déjà de son vivant, furent propagés, traduits et médités davantage par les disciples. Sa parole continua de battre dans tous les cœurs. Hanté quotidiennement par un spectre insoutenable, devenu presque fou et sénile, se consumant de rage à petit feu, il s´exila très loin, passant le reste de sa vie dans un délire de pouvoir assidu. Il prêchait aux murs, aux souris et aux bancs vides.

Un quinquagénaire aux cheveux blanchis, haut comme trois pommes, muscadin à ses heures, revêtu d´une chasuble bleu ciel richement brodée, au col relevé jusqu´au-delà de la nuque, en visite avec un groupe dans un sanctuaire notoire, recueillit un compliment, le moindrement qu´on puisse dire affectueux, du recteur de la chapelle qui le trouva charmant, assez à son goût. Il le qualifia, lascivement, au micro de l´ambon, lors de son mot d´accueil, de « beau à croquer », provoquant, par cet éloge désinvolte, une stupeur et un malaise général. Personne ne mit plus d´un dollar, par la suite, dans le panier des offrandes. Ils quittèrent sans être en mesure de se recueillir ni de se ressourcer.

Un autre, squelettique et âgé, propriétaire de trois condos et villas dans trois pays différents, traitant son caïd de gueux qui sent le poisson, reçoit souvent, devant tous, un jeune serin, rarement le même, qu´il comble de cadeaux. Ils vont parfois en vacances, une semaine, dans un chalet. « Bonjour voisins ! Je vous présente mon neveu ». Mais les voisins ne sont pas dupes. L´un de ses moineaux est reconduit par sa mère proxénète jusqu´à la porte, fière de le déposer « entre les mains du Bon Dieu ». Ses services font vivre la famille en temps de disette. On le voit rayonner, après ces visites qui le mettent dans un état de béatitude, comme au jardin d´éden où presque tous les fruits et délices sont permis. Il décèle une portée messianique dans ses rencontres libidinales. Toutes ses babines exultent. On l´entend s´exclamer de sa voix d´enfant enjoué, les yeux sortis de leur orbite, bavant et projetant sa salive puante : « Il y a quelqu´un sur cette Terre qui peut contribuer à mon bonheur ! »

Un autre, au mitan de la vie, depuis longtemps en poste, attend la fin de sa messe dominicale pour annoncer (extrêmement ravi du choc électrique à déclencher un dimanche tranquille du mois de mai) qu´il quitte le sacerdoce pour se marier avec l´une de ses assistantes dans quelques jours. Il ne veut plus vivre une relation clandestine et se sent à l´aise avec sa décision. « C´est le plus beau cadeau que je puisse vous offrir, nous offrir, m´offrir, et qui me rend tellement fier. Ma conjointe ne rivalise pas avec l´église. Je les aime toutes les deux. Mais puisqu´il faut choisir, je prends mon courage à deux mains et choisis. » Tous, stupéfaits, le prient de rester. Ils l´acceptent marié, contents de le voir si comblé, écrivent en vain plusieurs lettres à l´évêque, louant les qualités exceptionnellement humaines de leur cher berger. Son excellence n´y répond pas et refuse de recevoir leur délégation dûment mandatée. Il aura fallu plus d´un an avant de trouver un prêtre d´Afrique pour le remplacer provisoirement. Ce dernier est infantilisé, malheureusement traité de « bouche-trou » et de « stagiaire inadapté ». Accusé d´attouchements sexuels et d´avoir engrossé trois paroissiennes en quelques mois, il renonce à sa charge et personne ne lui succède.

Un autre, harcelé par une femme rousse, à moitié hystérique qui battait son mari et couchait avec les nonnes (chez qui elle mendiait sa nourriture deux fois par semaine), s´est vu indûment dénoncé à ses patrons parce qu´il refusait de répondre à ses avances. Elle ne savait quelles sordides accusations inventer de toutes pièces. Sa liste d´épicerie était longue. Devant l´abondance de sa nomenclature truquée, étayée d´artifices, ils crurent à ses paroles trompeuses et firent la vie dure à leur clerc, sans lui révéler le contenu de ces fausses imputations ni lui offrir la chance de se défendre. Il quitta sa charge, désabusé, prétextant une profonde dépression et des problèmes de santé. La faute d´une personne qui empêche intentionnellement le bien d´être accompli, soulageant la multitude, est, semble-t-il, multipliée par mille. Elle serait une abominable offense envers toi et envers les frères. De même pour ceux impassibles qui, voyant l´erreur indéniable, le mensonge, les abus physiques et spirituels se produire devant leurs yeux, ne réagissent pas, ne les corrigent pas, ni ne soutiennent adéquatement les personnes lésées.

Un sexagénaire gringalet, frustré d´être rejeté par ses parents depuis son enfance, traînant des problèmes psycho-émotionnels non résolus qui lui causent de graves ennuis psychiatriques, et vexé de n´avoir pas été nommé évêque malgré ses longues années de service, se venge en faisant pâtir ses vicaires à tour de bras, lors des repas et des réunions, créant d´épouvantables tensions et litiges, pour rien, à longueur de journée, sans aucune justification ni raison, transformant leur vie en perpétuels cauchemar et géhenne. Il répète, tel un malade schizophrénique, paranoïde et catatonique, à qui veut bien l´entendre : « Cette paroisse est à moi. Je l´ai bâtie depuis de très longues années et ne laisserai jamais le premier venu s´en emparer ! Qui osera me la dérober ? C´est mon objet. Je suis et resterai le seul répondant de mon œuvre toute ma vie. Je l´emporterai avec moi. » Manipulateur chevronné, il essaye, pour écœurer ses assistants, de les retenir et de les faire travailler y compris durant leur journée de congé. Il enterre aussi leurs différentes activités. D´ailleurs, personne n´a pu le supporter longtemps. Leurs mécanismes de défense échouaient. Ils en sont morts ou ont décampé, les uns après les autres, foncièrement affectés, le laissant seul avec ses humeurs insupportables. Son dernier acolyte, jeune, éduqué et poli, souffrant à son tour d´angine, de migraines et d´hypertension, soudainement apparues à cause de ce haut niveau de stress, abdiqua, préférant retourner dans le monde et vivre paisiblement.

Plus capable d´essuyer ses invectives ni de réprimer les déceptions, il songea, en vain, à un compromis : faire ménage à part, louer un appartement dans le quartier, ne se présenter que lors des offices et des rencontres. « Faut durer et non endurer, se dit-il, déterminé. Pourquoi endurer si je ne puis durer ? Ce n´est point représentatif de la charité du Christ, point alléchant pour moi ni pour personne. Dans quelle galère suis-je entraîné ? Qu´il largue ses crises aiguës et supporte les fluctuations de son caractère tout seul dans son palais. Je mérite mieux que ses lubies harassantes. Il me faut un contexte paisible pour servir, m´élever et m´épanouir. C´est ma troisième nomination. Je pensais que le ministère était source de joie et d´ascension. Ce n´est qu´un chemin de croix continu. J´ai beau vouloir instaurer le régime de l´Amour à tout prix en donnant le bon exemple, accepter patiemment les sacrifices... L´hypocrisie y est érigée en système solide jusqu´au plus haut niveau. Impossible de pallier les malheurs de cette fastidieuse baraque, heureuse d´être avalée dans la viscosité de sa lise mouvante ! Quel décalage entre le principe de charité et le plancher des vaches ! Je ne peux tenir le coup. C´est une atteinte flagrante à mon intégrité. Ces conditions exécrables de travail dépassent les bornes et me répugnent. Je lui retourne ses clés. Le plus bel avenir m´attend. Plus jamais, je ne mettrai l´épaule à la roue. »

Un autre, dans la trentaine, grand gaillard de type sportif, ne souriant jamais, visage carré et cheveux drus, à qui une coquette admiratrice lui reproche un jour, devant tous, en pleine face : « Quelle perte que tu sois prêtre ! », reçoit, quelque temps plus tard, par téléphone, une proposition très sérieuse d´une pieuse fidèle : « Je vous demande un grand service pour le bien de la communauté et pour la gloire de Dieu. Mon mari est impuissant. Voulez-vous me faire un enfant ? Il l´accepte volontiers et me pousse à vous appeler. Dieu vous attribuera sûrement une juste et divine rétribution pour votre bonté. »

Un autre, fumeur comme une cheminée, amateur de cigares et de trampoline malgré sa remarquable corpulence, loge son protégé gratuitement au presbytère. Ce rockeur déjanté, à la chevelure longue et au regard sombre — qui n´écoute que de la musique dure et agressive (genre Led Zeppelin) en frôlant les murs, tête basse, ses écouteurs dans les oreilles — se charge de ses commissions et lit parfois l´épître à la grand-messe du dimanche, devant une audience maigrichonne. Ses ouailles, déboussolées, paniquées, pas habituées à voir un phénomène pareil parmi les aubes blanches et les dentelles du chœur rouspètent. « Sa silhouette macabre nous fait trembloter. » Il repartit sur un ton ricaneur : « Vous maugréez parce que l´église est vide, voulez des jeunes parmi l´assistance. J´en amène un et vous n´êtes pas heureux. Il faut les accepter tels qu´ils sont, sans les juger, sinon ils se sentent discriminés et filent. On les perdra à tout jamais. Ne sont-ils pas les enfants du Bon Dieu, même avec leurs excentricités ? » Son chantre, un baryton dans la quarantaine, à la voix plus froide que le marbre — un autre de ses protégés qui réside avec lui — transforme une partie du jubé en salle de gym en y installant son banc incliné et ses haltères. Il s´y défoule, torse nu, quand le souvenir de son ex-copain le tenaille.

D´autres, en Afrique, en Inde, aux Philippines, depuis des décennies, adulent les nonnes cloîtrées, puis les enfourchent quand ils gagnent leur confiance, libérant l´excédent d´énergie qui les tourmente. Au moins, celles-ci ne coûtent pas cher et sont à l´abri du VIH. Ils les poussent à avorter quand elles tombent enceintes et leur imposent le silence. Des prélats les engagent à titre de servantes, sans les payer. Cette forme d´apostolat fait partie, selon eux, de leur consécration à laquelle sont ajoutées quelques tâches connexes flexibles. Avec la complicité de leur mère supérieure, plusieurs sont envoyées, délibérément, tenir compagnie à un évêque émérite, en signe de reconnaissance, parce qu´il a donné une grande maison à sa fraternité. Une jeune religieuse, pas toujours la même, se tient quotidiennement au chevet de l´ecclésiastique, à titre de garde-malade. Ce dernier en abuse et le silence prévaut autour de l´affaire. Nul n´ose lever le voile sur cette expérience banalisée qui se répète dans la discrétion la plus totale. La matrone gronde celle qui en revient terrifiée et récrimine : « Par gratitude, nous lui devons au moins ça. Si tu refuses, la congrégation va te sanctionner. »

Appelé d´urgence, un soir, pour administrer l´extrême-onction à une paroissienne nonagénaire très dévote, souffrant       d´un début de démence, un vicaire la voit diriger sa main vers lui, heureuse d´apprendre son arrivée. L´alitée cherche, de toute évidence, ses doigts ou son étole pour s´en bénir. La semi-voyante explore le vide depuis son lit avant de palper et de saisir triomphalement le membre masculin assez en chair de son prêtre préoccupé avec son livre de prières. Elle s´y attarde un moment, ainsi que sur les deux grosses boules pendantes, les masse généreusement, jusqu´à les troubler d´émotion, avant de remonter et de s´emparer de son bras auquel elle s´agrippe, telle une naufragée tenant une bouée de secours lancée en pleine mer. Finalement, c´est avec violence qu´il arrache, déconcerté, sa main au moment de son départ. Témoin de la scène sans en saisir les menus détails, la famille s´interroge, désorientée : « Il est venu lui apporter réconfort et amour dans sa maladie, et la quitte en manifestant, au fond, si peu de délicatesse et de courtoisie. » Troublée, elle gémit et pleure amèrement, inconsciente de ce qui s´est passé. Les voisins accourent. C´est tout un drame. Plus rien ne la calme. Dans sa grippe, on y lit la souffrance, la solitude et le désespoir de l´humanité à la recherche acharnée de salut. Devant cette soif de rédemption, ils ne voient qu´un révérend expéditif, irascible, qui attend au seuil de la porte une récompense pécuniaire pour sa « bonne action ». Il refuse de retourner la voir, mourante une semaine plus tard, prétextant d´urgentes occupations.

Un incident pathétique, digne des braves chevaliers médiévaux, se produisit, il y a quelques années, lors d´une dispute entre un clerc et son directeur de chorale (un bénévole de soixante-quinze ans). Le premier saisit un candélabre de l´autel pour frapper le deuxième. Voulant se défendre, ce dernier en prit également un et les deux chandeliers se croisèrent, bras de fer hallucinant, devant les quinze choristes qui criaient, abasourdis. Vrai combat chorégraphié d´escrime. « En garde ! Êtes-vous prêts ? Allez ! » Attaque, riposte, retraite, contre-attaque. Le ton monte d´un cran. Les flammèches des yeux fusent. Cela, à cause d´un changement proposé dans le programme musical et qui fut adopté, un mois plus tard, à l´unanimité. Le responsable du chant, détenteur d´un doctorat en musique sacrée et d´une vaste expérience, qui enchantait l´assemblée à chaque célébration, l´aidant à prier et à s´élever, démissionna et ne remit plus les pieds dans aucun temple. Le révérend en question est monté en grade, malgré maintes protestations et malgré le fait  d´avoir été signalé à sa hiérarchie pour moult allégations incendiaires en lien avec des sévices physiques, morales et des abus sexuels commis depuis quarante ans. Il acquit, à la surprise générale, quelques années plus tard, de prestigieux honneurs. Ses nombreux déshonneurs furent ingénument étouffés. On le trouva mort dans son sommeil une semaine après son ascension monumentale.

Et le musicien de me confier, exaspéré, dégoûté : « Ces mafieux se protègent, se supportent mutuellement, forment un sacro-saint collège qui se moque carrément du peuple, de la justice et de la vérité. Crois-moi, leur domination est outrageusement indécente, malicieusement scandaleuse. Ils nous traitent avec mépris et de haut. Aucun tact, aucune considération pour notre droit au respect et à la dignité. Inutile de les dénoncer et de s´opposer à leur violence viscérale qui frôle l´intégrisme. Ils organisent et exercent le pouvoir en maîtres absolus. Le Christ ne vit pas en eux. Il y a plus de désordres, d´intrigues ténébreuses et de sentiments négatifs dans les temples que dans la rue. Ce n´est pas pour rien que les chrétiens boudent actuellement les églises. Ils n´en veulent plus, à juste titre, et les brûlent. C´est le cas au Chili. »

Quelques instants plus tard, les larmes aux yeux, il me confia, désarçonné, une occurrence déchirante. « Alors que je sortais d´un restaurant le soir, au centre-ville, un bout d´homme m´intercepte, me propose des stupéfiants et les services de sa sœur fragile, presque saoule, debout en tenue légère au coin de la rue, bravant le froid et la pluie. C´étaient les enfants de paroissiens que je revoyais dix ans plus tard. Ils étaient jeunes à l´époque et ne m´ont sûrement pas reconnu avec mon chapeau. Je voulais la couvrir de mon manteau, lui offrir mon parapluie, héler un taxi pour la ramener chez elle. Je connaissais bien leur adresse et leur famille. Sa grand-mère est vraiment une sainte femme, sa mère aussi. Cependant, je ne suis pas intervenu. Refusant d´en être un témoin actif, je me suis retiré. La page était définitivement tournée, pour moi, avec cette communauté. Nulle marche arrière possible. » Ces drames continuent, chaque jour, chaque minute, chaque seconde, quelque part, ici et partout ailleurs, faisant d´autres victimes, d´autres personnes agressées, traumatisées pour toujours, au vu et au su de tous, sans que personne ne bronche. Des vies se trouvent, du jour au lendemain, annihilées, dépouillées de leur foi, à cause de ces abus. Les prélats s´en foutent. L´institution demeure impassible.

Depuis ces histoires vécues et tant d´autres (impossible de compléter l´inventaire de ce théâtre vivant), évoquées non pour vider mon sac ni raviver la douleur, mais pour éveiller les consciences et réclamer justice, il me paraît plus qu´évident que ton système organisationnel, désopilant, présumant orgueilleusement te représenter, agit d´une façon totalitaire, en marge de ta bonté et se met à l´écart, indûment appuyé sur son armature deux fois millénaire. Il s´accorde des prérogatives qui ne reviennent qu´à son fondateur, l´oublie, l´exploite au profit de ses propres et inflexibles intérêts. Flagrant manque de responsabilité éthique à l´acte professionnel qui ne semble point le déranger. Pleins de préjugés contre tout et tous, ces révérends humilient l´être humain du revers de la main, lui inculquent la peur et le mépris de lui-même, se plaisent à le condamner, à le diviser afin de l´affaiblir et mieux le soumettre à leur dictature.

Ces Borgia d´aujourd´hui imposent le régime de la frayeur pour mieux dominer les consciences, puis en faire un commerce lucratif à leur gré. Au lieu de proclamer : « Vous êtes porteurs du plus beau trésor », « Vous êtes capables de faire le bien », ou encore « Vous valez plus que vos délits »; au lieu d´aider les frères à surmonter leur risque de faiblesse et d´erreurs; au lieu de les accompagner, humainement, dans le devenir pascal, tels des guides éclairés, dotés d´une saine pédagogie en cas de chute; au lieu de leur donner l´espérance et de croire en eux, leur annonçant ton règne de pardon et d´amour, ils fulminent, culpabilisent, traumatisent, enclenchent tous azimuts des chasses aux sorcières. Leur personne est-elle totalement exempte du mal ? N´y a-t-il aucune voix, parmi eux, qui ose s´élever, défendre la droiture et la vérité? Celles, honnêtes, qui colportent de pareilles anomalies sont vite écartées et muselées, car ils se tiennent comme une bande, solidaires jusque dans les pires mésaventures et fatalités. Tant pis pour le mépris des règles de la déontologie. Ne devraient-ils pas, peut-être, méditer la pensée de ce sage qui stipule : « L´origine de toute joie en ce monde est la quête du bonheur d´autrui. L´origine de toute souffrance est la quête de son propre bonheur. » ?

Dépositaires, en principe, de l´Amour et du pardon, ces « religieux » s´en balancent, professent que tout homme est sacré, créé à l´image divine, digne de respect et d´Amour, pourtant le maltraitent, le bafouent dans sa particularité et dignité la plus fondamentale. Incapables de se moderniser ni de suivre l´évolution des mentalités ni des mœurs, maîtres en dissimulation et en astuces de pouvoir, point fidèles à l´essence de ton message, ces allergiques aux formes relationnelles horizontales négligent leurs fonctions premières : annoncer l´Amour, ramener à l´Amour, incarner l´Amour, prodiguer des actes de réconfort et d´Amour. N´étant plus Amour, ils perdent l´élément structurant de leur identité et leur raison d´être. Leurs paroles résonnent, airain dans le vide. Parce qu´ils se prétendent gardiens du sacré, ils s´estiment au-dessus des valeurs et des lois, méritant d´office toutes les préséances. Mais pour qui se prennent-ils ? Ils   n´ont que le pouvoir qu´on leur accorde. Pas plus ! Leurs chefs estiment donner une leçon de justice et de charité à tous alors qu´ils se dévorent entre eux, « engeances de vipères », de l´intérieur. Ils invitent les autres à garder leur jardin propre alors que leur résidence est une porcherie. Quel ordre inspirent-ils si leur foyer est en désordre ? Glaise, ils sont et à la glaise ils retourneront, laissant dans leur tombe titre, mitre et richesse, sans rien emporter que le salaire de leurs actes.

Je me remémore les erreurs et horreurs monumentales des inquisiteurs sanguinaires qui, durant des siècles, agissaient de bonne foi, avec la meilleure intention. Ils persécutaient, torturaient, condamnaient au bûcher, au moindre soupçon, ceux et celles accusés, y compris de fadaises et de puérilités, peu importe leur âge, afin de les purifier, âme et corps, prétextant, fièrement et consciencieusement, devoir sauver de la sorte et la victime et la communauté des flammes éternelles. Les bénissaient en même temps qu´ils les brûlaient, en série, vivants. De telles actions absurdes, édictées par un dévouement on ne peut plus scrupuleux, étaient infiniment bénéfiques et rédemptrices pour tous, selon leur discernement, car le feu terrestre qui fait mal, un court laps de temps, n´est rien comparé à celui intolérable et durable de l´enfer. Bel hommage à toi ! Méritoire zèle ! Anti-témoignage flagrant de la révélation de ton Amour ! Gestes fanatiques totalement dénués d´humanité, eux qui doivent être maîtres en humanité ! Comment ne pas être offusqués de voir tant    d´intolérance ? Comment effacer ces innombrables abominations et contresens de la mémoire collective ? J´ai tremblé,   l´autre jour, en passant devant la porte de l´inquisiteur, à Carthagène des Indes (Colombie), l´un des sièges de la torture en Amérique du Sud. J´ai entendu les cris, les pleurs, les dénis, et crié : « Que celui qui n´a jamais péché jette la première pierre ! »

Désespérant contraste avec le projet de celui « doux et humble de cœur ». Lui accueillait et fréquentait tout le monde, sans distinction de langue, de sexe, d´origine, de métier, de profil, d´orientation ou de couleur. Pas eux. Lui aimait et rachetait toutes les personnes sans aucune discrimination. Pas eux. Lui consolait et guérissait, se dédiait totalement au bien de la multitude. Pas eux. Lui nourrissait et réjouissait les affligés. Pas eux. Lui était et demeure l´incarnation de l´Amour, du pardon, du service, de la tendresse, s´effaçait devant autrui, s´offrait à cœur joie, gracieusement, dans le désintéressement total, demandait que la charité imprègne tout agir humain, d´autant plus ecclésial. Eux, au contraire, se foutent de la charité et de ses exigences, se forgent à coups de génie (à qui mieux mieux), des lettres de noblesse regonflant leur ego et l´avenir glorieux de leur propre carrière uniquement. Lui ne cherche que des rencontres humaines qui ressuscitent l´âme et libèrent des peurs, chemine dans l´Amour, avec l´Amour, attentif à tous, surtout aux plus souffrants, aux marginalisés, fait confiance à l´Amour. Eux tuent l´Amour et les rencontres significatives d´Amour qui doivent être au cœur de leur mission, symbolisent, faussement, par leurs actes, diatribes et priorités, un Dieu justicier, rancunier, répressif, ennemi du bonheur et de l´épanouissement humain. Lui calme les tempêtes, ramène ceux qui le suivent aux sources de la vie, à la joie, à la liberté, à la lumière, brise les chaînes, exige la bonté, laisse briller son soleil sur tous. Eux tétanisent, implantent la crainte avec leurs impulsions et déclarations arides, inconciliables, déconnectées de la réalité, méprisant la bonté, le bon sens et la vérité. Ils s´allient aux dictateurs, leurs semblables (comme Pinochet ou les dirigeants de l´extrême droite de la Colombie), se politisent (avec et depuis Constantin en 313), anathémisent afin de détenir une mainmise draconienne sur les territoires et les esprits. Lui qui « n´avait pas où reposer sa tête » va, en priorité, vers la brebis perdue, ordonne la pureté du cœur, prescrit de libérer les captifs, de revêtir ceux qui sont nus. Eux, se prélassant sous les ors et les pompes, n´ont aucune volonté de sauver ni de secourir. Ils barrent le chemin qui mène à toi, intimident, n´agissent que pour défendre littéralement leurs intérêts, sans se préoccuper du développement ni du bien-être spirituels de ceux et celles qui leur sont confiés.

Il est Père, Mère, Frère, Amour. Sa main renouvelle ce qu´elle touche. Eux sont des adversaires, réfractaires à l´Amour qui les dérange, qu´ils trouvent louche. Il est axé sur le monde intérieur, riche de ses atouts. Eux sont axés sur celui extérieur. Ne sachant pas trop comment prier, la profonde intériorité les trouble. Il est le remède à la détresse. Eux sont provocateurs accomplis de détresse. Corrompus, ils corrompent, tyrannisent, déshumanisent, détruisent l´Amour, résistent à l´Amour qui guérit et à toute guérison par l´Amour. Point étonnés de leur turpitude, ils prônent artificiellement la pauvreté, la justice sociale, le détachement des Béatitudes, tout en vivant dans le faste des palazzi impériaux décorés d´une centaine de lustres à pampilles, sans poser aucun geste concret qui va dans le sens de leurs prétendues philanthropiques et humbles recommandations. Le monde ne les écoute plus parce que point crédibles, surtout depuis la ribambelle de scandales et dérives répétés, ne les finance plus parce que déçu de leurs prises de position irrationnelles. La perte économique grave qu´ils accusent les oblige à se fendre en quatre pour payer le chauffage de leurs temples ainsi que les réparations urgentes. Ce faisant, ils délaissent davantage le soin des âmes qui doit être la priorité des priorités et s´encrassent dans les soucis du matériel. Noyés dans le luxe et la luxure, ne voulant guère investir dans la sauvegarde de leur patrimoine immobilier vétuste, comptant uniquement sur les laïcs pour financer leur manque à gagner, sans toucher à leurs propres deniers, comment peuvent-ils être conséquents et dignes aux yeux du commun des mortels qui estime que toute charité enseignée, personnellement non vécue, ne peut sonner vraie ?

Où sont les qualités humaines et spirituelles de ceux-là qui doivent être « d´autres Christ » et « agir dans la personne du Christ Tête » ? Ne doivent-ils pas se dépenser, facilitateurs, passeurs de flambeaux, inspirateurs d´enthousiasme ? Ne doivent-ils pas s´investir sincèrement dans ta cause ? Ils se retrouvent nombreux au banc des accusés, aujourd´hui, incapables d´écouter, de dialoguer et d´établir une relation d´accueil significative. Le Maître, n´a-t-il pas proféré, décontenancé, avec une extrême lucidité et une saine colère, au sujet de l´endurcissement et de
l´aveuglement de leur cœur : « écoutez leurs paroles, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux se refusent à les remuer du doigt. En tout, ils agissent pour se faire remarquer, aiment à occuper le premier divan, les premiers sièges. » ? N´est-ce pas une claire mise en garde ? N´est-ce pas leur marque de commerce de tous les temps ? Force est de constater que, deux mille ans plus tard, rien n´a changé.

Figée, institutionnalisée, codifiée, ankylosée de lois mesquines, noyée dans son opulence, paralysée dans sa conscience, cette organisation exclusive, à l´image tristement édulcorée, se croit éternellement protégée, inébranlable, évacue tout problème. Elle n´a aucun problème. Prétendant symboliser, en principe, la sainteté, la compassion et la sapience, elle tombe dans les pièges de l´abjecte indifférence, écrase par son orgueil et sa fausse puissance, prêche l´Amour et ses vertus sans en connaître les assises. Ne doit-elle pas nous aimer comme tu nous aimes ? Aucun besoin d´une telle ingérence dans notre quotidien puisqu´elle ne cesse de démolir et ne donne pas à vivre des expériences intérieures vivifiantes. Il n´est écrit nulle part qu´il faut un gouvernement quasi politique, un droit canonique et une puissance économique pour gérer la vie de l´esprit. Du livre qu´elle déclare méditer et proclamer émane un message d´espoir, de délivrance, d´éveil et de bienvenue pour l´humanité entière. Non une éthique persécutrice, ni un outil ou prétexte d´oppression ni une recette moralisante, uniformisée qui impose un moule unique, stéréotypé. Et gare à la différence ! Gare à la créativité !

L´agir désastreux de ces éternels insatisfaits ainsi que leurs austères mécanismes de contrôle maladif ne cessent de démentir leurs paroles et dévoilent qu´ils n´ont pas assimilé ton Amour. Tu avertis pourtant clairement : « Sans moi, vous ne pourrez rien faire. » Ils te suivent sans te suivre, en apparence seulement, rejetant les pans de l´Amour, pensant que tu leur appartiens, qu´ils peuvent sévir unilatéralement, sans se référer à tes requêtes d´Amour. Pour leur malheur et notre bonheur, tu ne leur appartiens pas. Comment te plaire s´ils ne respectent pas leurs frères, s´ils ne gardent ton unique et plus grand commandement, l´Amour, qui ne connaît nulle excuse ni barrière ? C´est te trahir que de fausser et vicier l´Amour. C´est une offense à ton Amour que d´être néfastes ou indifférents aux sujets de ton Amour. Parce qu´ils ne sont pas Amour, ils ne sont rien et tu ne trouves plus ta place parmi eux. Tu n´es plus chez toi parmi eux. Leur hostilité à l´Amour chasse ton Amour, transforme leur espace en désert.

J´ai l´amer et regrettable chagrin de constater que tes énergumènes vermoulus, dont je tairai les noms, sont des loups qui se mangent entre eux, fomentent des complots, des intrigues à n´en plus finir, et déblatèrent, parfois ouvertement, sans aucune gêne, voire dans les médias. Leurs guerres fratricides ne sont que des règlements de compte savamment planifiés, ficelés, qui empêcheraient un rival de gravir un échelon ou qui contribueraient à détrôner un autre. Ils dénoncent les vices cachés de l´un pour se venger, l´avilir par jalousie ou frustration, n´ayant pas eu le grade espéré. Pires que les pires ennemis, leur ego conçoit les plus viles manigances afin d´obtenir une faveur ou espérer attirer l´attention sur eux ou sur la position qu´ils défendent. Ils guettent l´agneau envoyé pour s´esclaffer et le lyncher, enterrent farouchement les bonnes actions d´un « compétiteur » zélé qui vise l´excellence, l´étouffent de crainte que ses qualités ne révèlent leurs défauts et qu´il ne les reconduise à l´inconfortable lumière dont ils ne veulent pas. Faut pas ouvrir les yeux de la foule ni les leurs. Cette dernière doit être systématiquement menée par le bout du nez. Mieux vaut sacrifier tes envoyés que perdre le vignoble. Parabole annonciatrice, foncièrement actuelle aujourd´hui, qui ne s´applique pas à un noyau dur, mais à la majorité, tellement le mal est répandu. C´est devenu un schéma systémique de fonctionnement. Un pattern conventionnel qui n´étonne plus. Le mensonge et la duplicité érigés en règles générales. Quel Corps construisent-ils ? Où est leur fidélité à ta vocation de charité ? Est-ce ainsi qu´ils te rendent présent en ce monde ? Aucun souci du salut des âmes ni de spiritualité. Aucun rayonnement de l´Amour, ni mansuétude, ni tolérance. Aucune émotion, compassion envers les défavorisés. Aucune option préférentielle pour les pauvres. Sinon exprès, l´espace de quelques rarissimes moments bien choisis, par exemple, la distribution d´un bol de soupe aux démunis avec un tablier autour du cou. Charité de façade. Coups médiatiques montés avec adresse devant les journalistes et les caméras soigneusement invités, afin de flatter et publier sur écrans géants l´exubérance de leur ego et la fausseté de leur bienfaisance brillamment maquillée, astiquée pour l´occasion. Car ils sont bien chatouilleux en ce qui concerne leur propre image et leur propre notoriété, non celles d´autrui. Ils se dissimulent derrière des masques pour trafiquer la réalité, t´honorent strictement des lèvres, leur cœur loin de toi et de ton Amour. C´est ainsi dans l´ensemble des religions.

Vieux garçons sclérosés, aveuglés de certitude et de prétention, imbus d´eux-mêmes, ne voyant qu´eux-mêmes, se croyant le nombril du monde, les égaux de Dieu dont ils pensent hériter les prérogatives, ils ne sont pas capables de cuire un œuf, ont besoin d´une cuisinière, d´une ménagère et d´une blanchisseuse pour les border et changer leurs couches de gros bébés dans la plus discrète intimité. Aussi pour être « dorlotés » un peu dans le plus grand secret. Les supérieurs voient ces « aimables digressions », gardent toutefois le silence au nom de leur adage qui stipule : « Si tu ne peux vivre chastement, fais preuve au moins de prudence. » Narcissiques, ils se bercent d´illusions, s´agrippent à leur « prestige » et à leur « supériorité » qui, selon leur doctrine, les rendent souverains et tout-puissants, au-dessus des mortels qu´ils dédaignent et assomment à coup de sermons impétueux, alors qu´ils devraient être, avant tout, à leur service.

Cette caste de bien-pensants, qui dénigre toute démocratisation de son gouvernement autocratique, méconnaît celui pour qui elle prêche avec des paroles insipides et rêches. Pire, le tient esclave, prisonnier de son raisonnement d´automate, prisonnier de ses vieux tabous désincarnés. Il n´avait demandé qu´une fraternité locale mue par l´Esprit, une prière domestique, « dans le secret de la chambre » non debout dans les temples (Matthieu 6, 5-7). Il avait recommandé un foyer d´Amour, le don de soi en faveur d´autrui, un petit troupeau qui met en partage ses biens et où il serait présent au milieu d´eux, point une entreprise scabreuse, multinationale, ou des bureaucrates bourgeois, méprisants, agressifs et égocentristes. Se reconnaîtra-t-il en leur personne, lui qui ébranle les fondements établis avec son impératif de l´Amour, lui qui lavait les pieds de ses disciples et multipliait la nourriture afin d´assouvir leur faim, lui qui enseignait que les premiers doivent être les derniers, que la plus belle preuve d´Amour est de soulager malades et opprimés, et       d´offrir sa vie pour eux ?

S´ils l´aimaient véritablement, ils garderaient ses prescriptions, surtout celle de l´Amour qui est le sommet et l´accomplissement de tout. Car l´Amour est le sceau d´authenticité d´une vraie existence spirituelle, adulte et mature.    « à ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l´amour les uns pour les autres. » (Jean 13,35) Selon sa parole, pourtant généralement indulgente, l´arbre qui ne porte pas de fruit et ne nourrit pas la collectivité ne mérite de vivre. Tel un puits sans eau, inutile, il occupe trop d´espace et doit être supprimé. Peut-être que tu es en train   d´appliquer ta maxime, d´insinuer qu´il faut donner pour recevoir, servir pour vraiment mériter d´exister. Peut-être que  c´est ta main qu´on voit sarcler, en ces temps de fortes turbulences, ce dont elle ne veut pas. Elle est en train de purifier ton jardin de ce pharisaïsme corrompu et de ce genre d´organisme qu´on ne supporte plus.

Ta boîte est malheureusement vide, cadre superficiel qui ne sert plus. Elle se croit jouir du monopole et guide absolu : « Hors de son giron, point de salut » ou « On ne peut avoir Dieu pour Père quand on n´a pas l´église pour mère ». Mais  c´est toi qui sauves, pas elle ! Le monde dépasse de loin son cercle pétrifié, unilatéraliste, rejette à bon escient la fourberie de son discours obsolète et sa dégaine princière révolue qui prétend régner, gérer la Banque de l´Esprit et des œuvres charitables alors qu´étant l´une des puissances financières les plus grandes de la planète, elle constitue l´un des plus sûrs relais du blanchiment d´argent. Grosse machine à mensonges, à manipulations, à espionnages et à intrigues multiples éhontées, elle détruit les ponts qu´elle aurait dû édifier. Freine l´accès au spirituel. Bloque le courant de l´Amour. Te crucifie encore, enfonce de nouveaux clous dans ton corps chaque fois qu´elle rejette un petit, car chaque petit, c´est toi. Chaque petit maltraité, abusé, exploité, dont la vie est bouleversée, brisée à jamais, c´est toi ! Son dispositif suranné dépérit, s´effondre tel un jeu de cartes, idolâtre du superflu, de la lettre sans l´esprit. Est-ce une entreprise en santé ? Quels sont ses indicateurs de performance ? Quelle sorte de mère ou d´épouse est-ce ? Quelle mission prophétique est-elle en train d´accomplir ? Où est le dépôt reçu ? Ces attitudes sont-elles dignes de sa vie d´Amour nuptial avec le Christ ? Est-ce vivre le service et la charité selon l´Esprit ? D´aucuns ont proclamé la mort de cette instance-déesse parce que croupissante, autolâtre, repliée dans le cocon de ses légiférations. Nul prestige ni plénitude ne l´auréole. Je n´y aperçois qu´une spirale descendante de dégradation.

Sous le couvert de la religiosité, cette multinationale moribonde, souffrant d´innombrables entorses et courbatures, régit, assujettit ses sujets à coups de bûchers dissimulés aujourd´hui sous de nouvelles formes d´apparence plus civilisée. Elle bénit ou ne bénit pas ce qu´elle veut ou ne veut pas, falsifie des documents, détruit les dossiers qui ne lui plaisent pas, concocte des arguments, impose sa version des faits, selon ses humeurs, ses caprices et son sens avancé de la casuistique qui promulgue que la fin justifie les moyens, sans laisser de place aux bons sentiments. Elle sort, inopinément, haches de guerre et canons pour museler les détracteurs qui contestent ses élucubrations, tout en se targuant d´être humaine, habitée par des projets humanitaires. Au fond, c´est pour redorer son blason et faire semblant d´œuvrer pour l´essentiel. Ça camoufle son extinction lente et sa décomposition. La tragi-comédie de cette barque qui s´échoue continue avec la plus élégante discrétion. Peu de personnes la décèlent de l´extérieur, car obnubilées par sa fallacieuse ancienne aura et par d´émotives raisons. Un peu d´humilité lui ferait réaliser que la vérité est souvent du côté des contestataires. Les écouter permet de grandir ensemble, d´évoluer et de corriger sereinement l´incorrigible. Lanterne éteinte, elle n´éclaire plus, plonge plutôt dans les subterfuges ténébreux du plus temporel. » 

Fin des extraits.

* * *

La longue réflexion théologique d'une centaine de pages suit ces extraits et traite de plusieurs thématiques, entre autres : la relation au corps, le célibat, le mariage des prêtres, le nombre inquiétant de ceux qui quittent la vie religieuse, le pattern de la communauté selon l´évangile, la colère de Dieu, le Sommet sur la pédophilie tenu en février 2019 et le rôle des laïcs agressés qui prennent la parole…

En résumé, l´analyse rigoureuse de ce livre décape, sans complaisance ni compromis, la déplorable attitude de l´institution église, plongée dans « une culture de la mort » selon François 1er, et souvent dans le déni.

Trois catégories de graves méprises lui sont reprochées :

- manque de respect des règles de la déontologie (abus, mépris et violence envers les autres, dus aux préjugés du cléricalisme);

- manque d´écoute et d´accueil des enjeux actuels de la société (célibat des prêtres, droits des femmes, légitimité des gays, l'évolution des mentalités);

- manque d´écoute et d´accueil de l´Amour qui éclaire et guérit tous les maux.

Une trentaine d´actions innovantes sont proposées, au terme de la réflexion, afin de pallier à cette débandade généralisée et retourner au pattern d´origine, plus fidèle au modèle préconisé par l'évangile. Cette restructure organisationnelle vise à renverser la pyramide, à redonner toute la place aux fidèles guidés par l'Esprit, et à libérer l'Église du cléricalisme, des abus et de la vantardise qui l'asphyxient.

Même après 2000 ans de christianisme, on peut conclure, malheureusement, que l'Église, qui s'est révélée institutionnelle plus que évangélique à travers les âges (le contraire absolu de sa vocation), demeure faible et faillible. Elle suit un chemin que Jésus a vivement dénoncé et ne semble pas encore avoir bien assimilé ses paroles et volontés. Conséquence : elle et nous (les fidèles) ne sommes que partiellement christianisés.

Parole de Joseph Moingt, s.j. à méditer : « Les premiers chrétiens n'avaient pas d'églises, de prêtres ni de culte et ils étaient très conscients de former l'Église corps du Christ quand ils se réunissaient à quelques-uns pour partager le repas du Seigneur. » Aujourd'hui, les nombreuses personnes infiniment déçues qui ont quitté cette institution ont le droit de se réunir et de faire église à part. C'est conforme à la tradition apostolique des premiers siècles. Cette pratique est de plus en plus commune depuis quelques années. La fédération des Réseaux du Parvis (en France) en fait foi.

Quelques appréciations reçues suite à la lecture de ce livre :

« Thème incontournable aujourd´hui, superbement traité. »

« Petits bijoux d´histoires suivies d´une réflexion spirituelle et d´un développement solide. »

« C´est bouleversant, mais plein de vérité et d´espoir. »

« Structure et propos si clairs, présentés avec une perspicacité stupéfiante. Le lecteur ne se sent plus dans la confusion. Il comprend. »

« Très justes bilan et pronostic. »

« Livre croustillant, profond et authentique. À méditer ! »

« L’auteur nous rappelle le besoin urgent de renouveler totalement l’Église et ses pratiques obsolètes. Il propose, en rechange, un vivre-ensemble plus actualisé et bien plus dynamique. »

« Bernard Anton bouscule les idées reçues et prône un humanisme évangélique libéré des tentacules morbides du cléricalisme, tel que demandé par François 1er. »

« Oui, l'Église, sous sa forme institutionnelle n'a pas été voulue par Jésus. Elle doit tout repenser, tout refonder si elle veut être fidèle à son fondateur. »

« Enfin un livre qui dit la vérité : À cause de ses nombreux écarts, l'institution Église est à évangéliser aujourd'hui par les laïcs. Le Sommet sur la pédophilie tenu en février 2019 le prouve. »   

 « L'auteur a raison de déplorer le manque d'amour et la maladie du pouvoir de l'institution Église. Sa mercantilité l'empêche de s'élever et de répondre aux exigences de son fondateur. Rectifiera-t-elle son tir avec humilité ? »

« Contribution remarquable de Bernard Anton qui fait preuve d'une connaissance approfondie des Écritures et d'une lucidité incroyable. »

« Réflexion rigoureuse et stimulante qui donne espoir malgré le côté sombre de l'institution qui nous laisse pantois. »

« Excellent plaidoyer en faveur du vrai christianisme à découvrir et à vivre avec simplicité. »

« Bernard Anton souligne avec brio l'hémorragie d'une institution moribonde qui ne veut plus rien dire à la société postchrétienne et sécularisée d'aujourd'hui, et ce, à cause de sa fermeture, de son aveuglement et de sa non-communion. »

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