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Quelques contes de Bernard Anton
Extraits du recueil :
Mémoires de ciels et de vents

Brillantine

Bernard AntounSavez-vous qui est Brillantine ? Non, ce n’est pas le nom d’une jeune fille, ni celui d’une fleur, ni celui d’une étoile, ni celui d’un papillon, ni celui d’un gel pour les cheveux, ni celui d’un personnage de télévision. C’est le nom d’une jeune luciole heureuse d’être lumineuse dans la totale obscurité de la forêt et de la nuit. Elle n’avait jamais vu les étoiles ni la lune ni les autres astres non plus.

Une luciole adulte l’invita, par nuit claire, à monter plus haut que les arbres pour découvrir d’autres horizons et l’étendue du ciel. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle découvrit le scintillement des étoiles et la lumière chatoyante de la lune ! Plus elle les contemplait, plus elle baignait dans ces rayons blancs et phosphorescents, plus elle devenait consciente de la faiblesse et des limites de sa propre lumière. Ces astres étaient définitivement plus brillants qu’elle. Fière de ses découvertes, elle appela tout ceci la grande famille de lumière et se considéra comme leur petite sœur.

La luciole adulte ajouta : « Il y a un astre bien plus lumineux, c’est le soleil, mais tu ne peux le voir sans mourir, car ses rayons vont brûler tes minuscules ailes. »

Après une longue réflexion, riche de sa récente et si agréable expérience avec les étoiles et la lune, la jeune luciole répondit : « Je suis un être de lumière et pour moi vivre sans lumière, ce n’est pas vivre. Maintenant que j’ai vu la lumière, je ne peux plus retourner aux ténèbres. Je suis prête à mourir d’amour, mourir par amour pour la lumière… »

Elle se prépara jusqu’à l’aube. L’astre doré se leva lentement. Le moindre petit rayon de soleil qu’elle découvrait au fur et à mesure était pour elle bien plus beau et bien plus précieux que tous les rayons de lune et d’étoiles ensemble.

En extase d’amour, elle dansa sa dernière danse d’amour, chanta son dernier chant d’amour, et s’offrit avec quel regard d’amour, à celui qui est Lumière d’Amour.

Si en sortant ce soir, vous rencontrez sur votre chemin une jeune luciole, silence, ne lui dites surtout pas que le soleil existe, que c’est un astre tellement beau et tellement lumineux, car elle pourrait peut-être, comme Brillantine, avoir la mauvaise ou bonne idée de s’offrir à lui !

La fleur qui sera essence

Une fleur à peine épanouie, haute déjà de trente centimètres bien comptés, Bernard Antounchante sa gloire et sa victoire. Elle sait qu’elle a été créée avec des épines, mais aussi avec des couleurs originales qu’aucun peintre ne peut imiter. Elle arbore avec un mélange de fierté et de modestie son parfum qui fait le plaisir du ciel et de l’auditoire.

Elle a poussé dans le jardin du boulanger, à côté des roses et des muguets, à l’ombre d’un églantier vieux de sept pleines lunes. Le boulanger est un brave homme très généreux avec les oiseaux. Il leur donne chaque matin un pain de seigle tiré de sa première fournée. La boulangère, qui gère également une parfumerie, leur prépare un nectar orangé qui fait leur plus grand bonheur.

Cette fleur, qui a grandi dans une ambiance d’amour et d’offrande, brille de tout son éclat, porte sa plus belle robe, affiche son plus beau sourire, captivant les cœurs, en attendant de devenir… pure essence dans les bocaux des parfumeurs.

Les papillons et les abeilles qui s’approchent d’elle la trouvent si jolie, plus jolie que plus les jolies, et n’osent la toucher de peur de la faire vieillir.

Un jour, un enfant a voulu la cueillir pour l’offrir à sa petite amie. Aussitôt qu’il s’approcha d’elle, au lieu de lui sourire, au lieu de lui montrer ses épines, la fleur lui dit : « Bonjour mon ami. Je sais que tu es sage. Tu as un bon cœur. Tu aimes ta copine et tu veux lui faire plaisir. Mais au lieu de lui offrir une fleur qui durera jusqu’à la nuit, tu peux bien lui présenter un beau poème que je t’écrirais, elle s’en souviendra toute sa vie ! En échange, tu me promets de me laisser tranquille ! » L’enfant accepta.

La fleur lui dicta alors ces quelques vers :

« Ton visage est ma seule présence,

hors de lui je ne peux vivre.

Ton sourire éclaire ce que je suis

et fait que j’existe.

Je savoure et déguste,

jour après jour, la lumière

qui t’habite. »

Émerveillé, l’enfant s’en alla et charma, par ces paroles, le cœur de son amie.

Le lendemain, la fleur fit ses adieux aux roses, aux muguets et à l’églantier. À travers la pudeur de son épanouissement, elle révéla une dernière fois la richesse de ses couleurs, peu soucieuse de son éphémère destinée. La boulangère, qui gère également une parfumerie, la coupa.

La fleur fut heureuse d’avoir vécu ici-bas et se réjouit d’avance de ce qu’elle deviendra dans le flacon d’où elle rayonnera encore plus haut avec son âme, sur d’autres âmes, pour la gloire.

La pépite d’or

Bernard AntounUne pépite d’or s’échappa de l’établi d’un bijoutier qui polissait un bijou inestimable tant par sa valeur réelle que symbolique. C’était la couronne du roi du pays des sycomores composée d’or très pur, sans aucun alliage.

Cette poussière de lumière tomba par terre puis le vent la transporta à l’extérieur. Depuis, elle demeure là, resplendissante, sur le trottoir, dans une fente de béton. Elle est bien heureuse d’avoir fui ce joaillier qui n’offre que des bijoux usagés à sa femme et qui se garde le quart de toute chaîne qu’on lui porte à réparer.

Anonyme, elle veut demeurer, loin des regards, loin des histoires, loin des nobles cours et des grands bals. Au soleil, elle brille. La nuit, elle brille. Sous la pluie, elle brille. Sous la neige, elle brille. Sous le verglas, elle brille. Elle ne brille pour personne, sinon pour l’amour de briller et de refléter sa vraie nature. Elle ne demande qu’un peu de paix et de tranquillité.

Un clochard du quartier l’aperçut un bon matin d’avril, alors qu’un rayon de soleil avait centuplé son éclat. Le voyant prêt à la ramasser, elle s’est couverte de poussière et se cacha sous un morceau de verre qui, par chance, se trouvait là. Elle plongea encore plus profondément dans sa fente élargie par l’oeuvre du gel et du dégel.

Elle ne voulait pas être appréciée ni aimée. Elle ne désirait pas être portée par les richissimes ni être exploitée. Elle souhaitait rester petite, cachée loin des regards, jamais brocantée.

Le clochard qui souleva le morceau de verre, espérant ramasser ce qu’il croyait être une boucle en or ou une bague, s’en alla bredouille. C’était peut-être une illusion, pensa-t-il. Le soleil peut bien prêter ses rayons d’or à une vitre éclatée.

L’enfant du soir

Un enfant, dans les rues du froid, regarde les vitrines de Noël : tous ces beaux jouets, toutes ces lumières qui dansent dans un décor de joie, toute cette richesse, ces chants, ce scintillement et ces jeux de miroirs, ce n’est pas pour lui, mais pour les autres qui qu’ils soient.

D’une vitrine à l’autre, c’est le même triste regard, le même cœur qui mendie un parfum de sécurité, un petit sourire autre que narquois.

Dans les rues du gel, un soir, il rencontre un autre enfant mendiant, plus jeune encore. Il oublie sa peine et lui passe son foulard, ses gants.

Le plus jeune lui déclare : « Ni amour ni bonheur ici-bas. Patience. Ton cadeau de Noël sera grand. Bientôt la Joie pour personne autant que pour toi. » Puis il ajoute, « Suis-moi, je cherche un oiseau rouge qui n’a pas peur du froid. Il est heureux quand il voit que des personnes pensent à lui et cherchent sa compagnie. Il leur accorde alors trois faveurs, même les plus inaccessibles, car rien ne lui est impossible. »

Ils partent chacun de leur côté à la recherche de l’oiseau rouge. Ils scrutent longtemps, plusieurs jours et plusieurs semaines, les parages. Ils jettent en vain du pain sous les arbres, espérant qu’il viendrait le manger. Ils sifflent en vain comme des rossignols, espérant l’attirer. Ils marchent, marchent, découvrent enfin des traces de pattes, comme des étoiles sur la neige. Ils les suivent et arrivent l’un en face de l’autre dans un cimetière. Ils lèvent la tête, cherchent dans les branches et l’aperçoivent, juché sur un sapin vert. Ils ne pensent plus à leur quête qui a duré plusieurs semaines. Ils le saluent gentiment et lui offrent chacun la moitié du seul croissant qui leur restait.

Profondément touché par ce geste, d’autant plus qu’il provenait de la part de deux enfants pauvres et transis de froid, il leur dit : « Mes amis, vous ne m’avez pas cherché pour rien. Maintenant que vous m’avez trouvé et offert ce que vous avez de plus précieux, je suis prêt à vous rendre heureux. Faites trois vœux chacun, ils seront exaucés. »

Le plus vieux, qui était orphelin, hésite un moment, puis formule de tout son cœur cette demande : « Je veux une maman bien douce qui puisse m’aimer tendrement. Puis, je veux vivre avec elle dans une grande maison bâtie sur une montagne. Puis, je veux une ferme tout autour avec beaucoup d’animaux : des vaches, des bœufs, des chèvres, des moutons, des poules, des poussins, des chats, des chiens, des oiseaux… »

À l’instant même, il est transporté sur une montagne, dans une grande maison, telle qu’il la rêvait, entourée d’une grande ferme avec beaucoup d’animaux, où une belle et jeune maman l’appelle tendrement parce que c’est l’heure du souper. Il est très heureux et se sent tout de suite chez lui. Il saute embrasser sa maman qui le couvre de caresses et de baisers. Jamais il n’avait connu une telle étreinte, jamais il n’avait senti la chaleur d’une telle poitrine qui l’accueille. Il est émerveillé devant la beauté de la maison et devant la variété des animaux dans la ferme. Il y a des vaches, des bœufs, des chèvres, des moutons, des poules, des poussins, des chats, des chiens, des oies, des canards, des lapins, etc. Tout était vert dans ce pays ! L’hiver avait disparu. Un lac d’un bleu argenté brillait derrière les arbres. En outre, il remarqua qu’il portait des vêtements propres et de beaux souliers bien vernis. Il ne rêvait pas. C’était bien la réalité.

Le plus jeune, lui aussi orphelin, voyant son ami de quelques semaines disparu d’un coup, demande à son tour : « Je veux être son petit frère. Puis, je veux avoir le même père, riche et affectueux. Je veux avoir aussi une petite sœur pour lui peigner chaque jour ses longs cheveux. »

À l’instant même, il est transporté sur la même montagne, dans la même grande maison entourée de la même grande ferme. Là, son papa l’appelle tendrement. Il appelle aussi sa petite sœur, aux cheveux longs et dorés, qui jouait dehors, parce que c’était l’heure du souper. Il est tellement heureux d’être là et se sent tout de suite chez lui. Il voit son « frère », saute embrasser son père qui le couvre de caresses et de baisers. Jamais il n’avait connu une telle étreinte qui l’accueille. Il enlace ensuite sa petite sœur, belle comme une poupée. Il est émerveillé de la beauté de la maison et de la variété des mets qui l’attendent dans la salle à dîner. Il remarqua à son tour qu’il portait lui aussi des vêtements propres et de beaux souliers bien vernis. Ils mangèrent tous à table en riant. Le cauchemar était terminé. Ils pouvaient vivre maintenant en paix.

Les deux jeunes orphelins vécurent ensemble, avec leur nouvelle famille, heureux, sous un même toit. Ils oublièrent la misère de leurs premières années. Ils n’ont plus revu l’oiseau rouge, mais, dans leur cœur, ils entendent parfois sa voix.

Le peintre et la mouche

Bernard AntounUn peintre, bien installé, en plein air, avec sa toile, son chevalet et sa palette de couleurs, devant un magnifique paysage de campagne et un étang où oies et barques passent et repassent, fut soudain embarrassé par une mouche à chevreuil furieusement jalouse de l’œuvre grandiose en train de naître sous ses doigts.

La mouche ne cessait de l’ennuyer, faisant son œuvre de gâchis. Elle essayait par toutes sortes d’astuces de le piquer, de lui arracher un morceau de peau, de l’enrager et de le distraire pour qu’il finisse par abdiquer.

Tellement pris par les images grandioses qu’il voyait et par l’inspiration qui le dynamisait, il la chassait nonchalamment, ce qui la rendait plus agacée, plus agaçante, parce que négligée et écartée avec insouciance.

Désirant récompenser ses efforts dérisoires, le peintre ingénieux l’écrasa avec son pinceau, la trempa dans sa peinture, la colla à sa toile et en fit un caillou au bord de son vert ruisseau.

Les admirateurs furent grandement ravis de contempler la texture si naturelle de ce caillou dans le tableau.

 

Répertoire de contes de Bernard Anton : contes bouddhistes, zen, chinois, japonais, africains, italiens, méditerranéens, amérindiens, traditionnels du Québec…

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